Autrefois, la vie était simple.
Vous vouliez faire une demande ?
Vous remplissiez un formulaire.
Un seul. Une page, deux signatures, un timbre fiscal pour les plus aventureux. Et hop.
Aujourd’hui ?
Vous commencez par remplir un formulaire en ligne.
— Qui vous demande un justificatif…
— Qui exige un formulaire complémentaire…
— Qui réclame une autorisation…
— Qu’il vous faudra demander via… un autre formulaire.
Le tout, bien sûr, avec un mot de passe sécurisé, un code reçu par SMS et un captcha illisible qui vous fait hésiter entre des feux de circulation et des vélos.
La naissance de l’absurdité administrative
Ce n’est plus de la bureaucratie.
C’est de l’art conceptuel.
À ce stade, même Kafka demanderait un congé sabbatique.
Le formulaire pour obtenir un formulaire est devenu un symbole de notre époque :
Une époque où l’on passe plus de temps à justifier ses besoins qu’à y répondre.
Et gare à celui qui ose poser la question :
— « Mais… pourquoi ? »
Réponse classique :
— « C’est la procédure. »
Traduction : On ne sait pas pourquoi, mais on continue. Parce que c’est comme ça.
Le citoyen moderne : homo administratus
Vous n’êtes plus un individu.
Vous êtes un producteur de pièces justificatives.
On ne vous demande pas ce que vous vivez.
On vous demande :
— Un certificat de ce que vous vivez.
— Une attestation que le certificat est bien valide.
— Une preuve que vous êtes bien vous, parce que votre carte d’identité ne suffit plus.
Et si, par malheur, vous oubliez un champ obligatoire…
Votre demande est rejetée.
Pas refusée.
Rejetée. Comme si vous aviez osé blasphémer contre le dieu Administratus.
Formulaire : le cercle (pas si) vertueux
Le pire ?
Ce délire paperassier génère… de nouveaux emplois.
Des agents pour vérifier les formulaires.
Des conseillers pour vous aider à les remplir.
Des hotline pour répondre à vos questions (en vous expliquant que, malheureusement, ils ne peuvent rien faire).
Et ça tourne en rond. Comme un hamster dans une roue.
Sauf que le hamster, lui, au moins, n’a pas besoin d’un formulaire pour tourner.
La rébellion silencieuse
Je le dis sans détour :
La prochaine révolution ne sera pas politique.
Elle sera administrative.
Le jour où les citoyens refuseront de remplir le moindre formulaire superflu,
le système s’effondrera sous son propre poids.
En attendant, armez-vous de patience… et de photocopies certifiées conformes.